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été particulièrement illustres ; en procédant de cette manière, nous y trouvons :

1° L’idée que la profession des armes ne peut être comparée à aucune autre, — qu’elle met l’homme qui s’y livre dans une catégorie supérieure aux conditions communes de la vie, — que l’histoire repose tout entière sur les aventures des gens de guerre, en sorte que l’économie n’existe que pour les entretenir ;

2° Le sentiment de la gloire que Renan a si justement regardé comme une des créations les plus singulières et les plus puissantes du génie humain, et qui s’est trouvé être une valeur incomparable dans l’histoire[1] ;

3° Le désir ardent de se mesurer dans les grandes batailles, de subir l’épreuve en raison de laquelle le métier des armes revendique sa supériorité, et de conquérir la gloire au péril de ses jours.

Je n’ai pas besoin d’appeler longuement l’attention des lecteurs sur ces caractères pour leur faire comprendre le rôle que cette conception de la guerre a eu dans l’ancienne Grèce. Toute l’histoire classique est dominée par la guerre conçue héroïquement ; les institutions des républiques grecques eurent, à l’origine, pour base l’organisation d’armées de citoyens ; l’art grec atteignit son apogée dans les citadelles ; les philosophes ne concevaient d’autre éducation que celle qui peut entretenir une tradition héroïque dans la jeunesse et s’ils s’attachaient à réglementer la musique, c’est qu’ils ne voulaient pas

  1. Renan, Histoire du peuple d’Israël, tome IV, pages 199-200.