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leurs-fonctionnaires, qui serait solidement disciplinée sous la main de fer de chefs que la démocratie accepterait[1]. Il est tout naturel que dans un tel pays la grève générale soit conçue sous la forme politique ; le soulèvement populaire doit avoir, dans de telles conditions, pour but de faire passer le pouvoir d’un groupe de politiciens à un autre groupe de politiciens, — le peuple restant toujours la bonne bête qui porte le bât[2].

Les troubles tout récents de Russie ont contribué à populariser l’idée de grève générale dans les milieux des professionnels de la politique. Beaucoup de personnes ont été surprises des résultats que les grands arrêts concertés du travail ont produits ; mais on ne sait pas très bien comment les choses se sont passées et quelles conséquences ont eues ces troubles. Des gens qui connaissent le pays estiment que Witte avait des relations avec beaucoup de révolutionnaires et qu’il a été fort heureux de terrifier le tsar pour pouvoir enfin éloigner ses ennemis

  1. Paul Leroy-Beaulieu a proposé récemment d’appeler « quatrième État » l’ensemble des employés du gouvernement et « cinquième État », ceux de l’industrie privée ; il dit que les premiers tendent à former des castes héréditaires. (Débats, 28 novembre 1905.) Plus on ira, plus on sera amené à distinguer ces deux groupes ; le premier fournit un grand appui aux politiciens socialistes, qui voudraient le plus complètement discipliner et lui subordonner les producteurs industriels.
  2. Ceci n’empêche pas Vandervelde d’assimiler le monde futur à l’abbaye de Thélème, célébrée par Rabelais, où chacun faisait ce qu’il voulait, et de dire qu’il aspire à la « communauté anarchiste ». (Destrée et Vandervelde, Le socialisme en Belgique, p. 289.) Oh ! magie des grands mots !