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caine qui voulait organiser des syndicats qui fussent capables de servir sa politique contre celle des patrons[1] ; les affaires ne tournèrent pas au gré des promoteurs du mouvement, qui n’étaient pas assez familiers avec ce genre d’opérations. Quelques politiciens socialistes sont, au contraire, d’une habileté consommée pour combiner les instincts de révolte en une force électorale. L’idée devait donc venir à quelques personnes d’utiliser dans un but politique de grands mouvements des masses populaires.

L’histoire de l’Angleterre a montré, plus d’une fois, un gouvernement reculant, lorsque de très nombreuses manifestations se produisaient contre ses projets, alors même qu’il aurait été assez fort pour repousser, par la force, tout attentat dirigé contre les institutions. Il semble que ce soit un principe admis du régime parlementaire, que la majorité ne saurait s’obstiner à suivre des plans qui soulèvent contre eux des manifestations atteignant un trop fort degré. C’est une des applications du système de compromis sur lequel est fondé ce régime ; aucune loi n’est valable quand elle est regardée par une minorité comme étant assez oppressive pour motiver une résistance violente. Les grandes démonstrations tumultueuses font voir que l’on n’est pas bien loin d’avoir atteint le moment où pourrait éclater la révolte armée ; devant de telles démonstrations les gouvernements respectueux des bonnes traditions cèdent[2].

  1. Mouvement socialiste. 1er-15 décembre 1905, p. 130.
  2. Le parti clérical a cru qu’il pourrait employer cette