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clarté que l’on trouve dans les régions superficielles du monde. Aucun effort de la pensée, aucun progrès des connaissances, aucune induction raisonnable ne pourront jamais faire disparaître le mystère qui enveloppe le socialisme ; et c’est parce que le marxisme a bien reconnu ce caractère qu’il a acquis le droit de servir de point de départ pour les études socialistes.

Mais il faut se hâter d’ajouter que cette obscurité se rapporte seulement au discours par lequel on prétend exprimer les moyens du socialisme ; on peut l’appeler scolastique et elle n’empêche nullement qu’il soit facile de se représenter le mouvement prolétarien d’une façon totale, exacte et saisissante, par la grande construction que l’âme prolétarienne a conçue, au cours des conflits sociaux, et que l’on nomme grève générale. Il ne faut jamais oublier que la perfection de ce mode de représentation s’évanouirait à l’instant, si l’on prétendait résoudre la grève générale en une somme de détails historiques ; il faut « s’approprier son tout divisé et concevoir le passage du capitalisme au socialisme comme une catastrophe dont le processus échappe à la description. »

Les docteurs de la petite science sont vraiment difficiles à satisfaire. Ils affirment bien haut qu’ils ne veulent admettre dans la pensée que des idées claires et distinctes ; — c’est en fait une règle insuffisante pour l’action, car nous n’exécutons rien de grand sans l’intervention d’images colorées et nettement dessinées, qui absorbent toute notre attention ; — or peut-on trouver quelque chose de plus satisfaisant que la grève générale à leur point de vue ? — Mais, disent-ils, il ne faut s’appuyer que sur des réalités données par l’expérience : le tableau de la