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avaient décrété que la philosophie devait disparaître devant leur science ; mais la philosophie n’est point morte et elle s’est réveillée, avec éclat, grâce à Bergson, qui loin de vouloir tout ramener à la science, a revendiqué pour le philosophe le droit de procéder d’une manière tout opposée à celle qu’emploie le savant. On peut dire que la métaphysique a reconquis le terrain perdu en montrant à l’homme l’illusion des prétendues solutions scientifiques et en ramenant l’esprit vers la région mystérieuse que la petite science abhorre. Le positivisme est encore admiré par quelques Belges, les employés de l’Office du travail et le général André[1] : ce sont gens qui comptent pour peu de chose dans le monde où l’on pense.

2o Il ne semble point que les religions soient sur le point de disparaître. Le protestantisme libéral meurt parce qu’il a voulu, à tout prix, rabattre la théologie chrétienne sur le plan des expositions parfaitement claires et rationalistes. A. Comte avait fabriqué une caricature du catholicisme, dans laquelle il n’avait conservé que la défroque administrative, policière et hiérarchique de cette Église ; sa tentative n’a eu de succès qu’auprès des gens qui aiment à rire de la simplicité de leurs dupes. Le catholicisme a repris, au cours du xixe siècle, une vigueur extraordinaire, parce qu’il n’a rien voulu abandonner ; il a renforcé même ses mystères, et, chose

  1. Cet illustre guerrier (?) s’est mêlé, il y a quelques années, de faire écarter du Collège de France Paul Tannery, dont l’érudition était universellement reconnue en Europe, au profit d’un positiviste. Les positivistes constituent une congrégation laïque qui est prête à toutes les sales besognes.