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pour résultat que de rendre plus héroïque la notion socialiste, elle devrait, déjà par cela seul, être regardée comme ayant une valeur inappréciable.


Les rapprochements que je viens de faire entre le marxisme et la grève générale pourraient être encore étendus et approfondis ; si on les a négligés jusqu’ici, c’est que nous sommes beaucoup plus frappés par la forme des choses que par le fond ; il semblait difficile à nombre de personnes de bien saisir le parallélisme qui existe entre une philosophie issue de l’hégélianisme et des constructions faites par des hommes qui ne possèdent point de culture supérieure. Marx avait pris en Allemagne le goût des formules très concentrées, et ces formules convenaient trop bien aux conditions au milieu desquelles il travaillait, pour qu’il n’en fît pas un grand usage. Il n’avait pas sous les yeux de grandes et nombreuses expériences lui permettant de connaître dans le détail les moyens que le prolétariat peut employer pour se préparer à la révolution. Cette absence de connaissances expérimentales a beaucoup pesé sur la pensée de Marx ; il évitait d’employer des formules trop concrètes qui auraient eu l’inconvénient de donner une consécration à des institutions existantes, qui lui semblaient médiocres ; il était donc heureux de pouvoir trouver dans les usages des écoles allemandes une habitude de langage abstrait, qui lui permît d’éviter toute discussion sur le détail[1].

  1. J'ai émis ailleurs l'hypothèse que, peut-être, Marx, dans l'avant-dernier chapitre du tome premier du Capital, a voulu établir une différence entre le processus du prolétariat