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duction future soit capable de leur apparaître aussi brillante qu’apparut autrefois la conquête de l’Amérique aux paysans anglais qui quittèrent la vieille Europe pour se lancer dans une vie d’aventures.

La grève générale conduit aux mêmes considérations. Les ouvriers sont habitués à voir réussir leurs révoltes contre les nécessités imposées par le capitalisme durant les époques de prospérité ; en sorte qu’on peut dire que le seul fait d’identifier révolution et grève générale éloigne toute pensée de concevoir qu’une transformation essentielle du monde puisse résulter de la décadence économique. Les ouvriers se rendent également bien compte que les paysans et les artisans ne marcheront avec eux que si l’avenir paraît tellement beau que l’industrie soit en état d’améliorer non seulement le sort de ses producteurs, mais encore celui de tout le monde[1].

Il est très important de mettre toujours en relief ce caractère de haute prospérité que doit posséder l’industrie pour permettre la réalisation du socialisme ; car l’expérience nous montre que c’est en cherchant à combattre le progrès du capitalisme et à sauver les moyens d’existence des classes en voie de décadence que les prophètes de la paix sociale cherchent surtout à capter la faveur populaire.

  1. On ne saurait trop insister sur ce point et il n’est pas difficile de reconnaître que les propagandistes sont amenés à revenir fréquemment sur cet aspect de la révolution sociale. Celle-ci se produira quand les classes intermédiaires seront encore en vie, mais quand elles auront été écœurées par les farces de la paix sociale et quand il se trouvera des conditions de si grand progrès économique que l’avenir se colorera d’une manière favorable pour tout le monde.