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électorale, il y a une surenchère continuelle : pour que les candidats socialistes puissent passer sur le corps des radicaux, il faut que les électeurs soient capables d’accepter toutes les espérances[1] ; aussi, nos politiciens socialistes se gardent-ils bien de combattre d’une manière efficace l’utopie du bonheur facile. S’ils combattent la grève générale, c’est qu’ils reconnaissent, au cours de leurs tournées de propagande, que l’idée de grève générale est si bien adaptée à l’âme ouvrière qu’elle est capable de la dominer de la manière la plus absolue et de ne laisser aucune place aux désirs que peuvent satisfaire les parlementaires. Ils s’aperçoivent que cette idée est tellement motrice qu’une fois entrée dans les esprits, ceux-ci échappent à tout contrôle de maîtres et qu’ainsi le pouvoir des députés serait réduit à rien. Enfin ils sentent, d’une manière vague, que tout le socialisme pourrait bien être absorbé par la grève générale, ce qui rendrait fort inutiles tous les compromis entre les groupes politiques en vue desquels a été constitué le régime parlementaire.

L’opposition des socialistes officiels fournit donc une confirmation de notre première enquête sur la portée de la grève générale.

  1. Dans l’article que j’ai déjà cité, Clemenceau rappelle que Jaurès a pratiqué cette surenchère dans un grand discours prononcé à Béziers.