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toutes faites ; l’évocateur est celui qui secoue ces cendres et qui fait jaillir la flamme. Je ne crois pas me vanter sans raison en disant que j’ai quelquefois réussi à provoquer l’esprit d’invention chez des lecteurs ; or, c’est l’esprit d’invention qu’il faudrait surtout susciter dans le monde. Obtenir ce résultat vaut mieux que recueillir l’approbation banale de gens qui répètent des formules ou qui asservissent leur pensée dans des disputes d’école.


I


Mes Réflexions sur la violence ont agacé beaucoup de personnes à cause de la conception pessimiste sur laquelle repose toute cette étude ; mais je sais aussi que vous n’avez point partagé cette impression ; vous avez brillamment prouvé, dans votre Histoire de quatre ans, que vous méprisez les espoirs décevants dans lesquels se complaisent les âmes faibles. Nous pouvons donc nous entretenir librement du pessimisme et je suis heureux de trouver en vous un correspondant qui ne soit pas rebelle à cette doctrine sans laquelle rien de très haut ne s’est fait dans le monde. J’ai eu, il y a longtemps déjà, le sentiment que si la philosophie grecque n’a pas produit de grands résultats moraux, c’est qu’elle était généralement fort optimiste. Socrate l’était même parfois à un degré insupportable.

L’aversion de nos contemporains pour toute idée pessimiste provient, sans doute, en bonne partie de notre éducation. Les jésuites qui ont créé presque tout ce que