Je n’attache pas d’importance, non plus, aux objections que l’on adresse à la grève générale en s’appuyant sur des considérations d’ordre pratique ; c’est revenir à l’ancienne utopie que vouloir fabriquer sur le modèle des récits historiques des hypothèses relatives aux luttes de l’avenir et aux moyens de supprimer le capitalisme. Il n’y a aucun procédé pour pouvoir prévoir l’avenir d’une manière scientifique, ou même pour discuter sur la supériorité que peuvent avoir certaines hypothèses sur d’autres ; trop d’exemples mémorables nous démontrent que les plus grands hommes ont commis des erreurs prodigieuses en voulant, ainsi, se rendre maîtres des futurs, même des plus voisins[1].
Et cependant nous ne saurions agir sans sortir du présent, sans raisonner sur cet avenir qui semble condamné à échapper toujours à notre raison. L’expérience nous prouve que des constructions d’un avenir indéterminé dans les temps peuvent posséder une grande efficacité et n’avoir que bien peu d’inconvénients, lorsqu’elles sont d’une certaine nature ; cela a lieu quand il s’agit de mythes dans lesquels se retrouvent les tendances les plus fortes d’un peuple, d’un parti ou d’une classe, tendances qui viennent se présenter à l’esprit avec l’insistance d’instincts dans toutes les circonstances de la vie, et qui donnent un aspect de pleine réalité à des espoirs d’action prochaine sur lesquels se fonde la réforme de la volonté. Nous savons que ces mythes sociaux
- ↑ Les erreurs commises par Marx sont nombreuses et parfois énormes. (Cf. G. Sorel. Saggi di critica del marxismo, pp. 51-57.)