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On pourrait remplir des pages entières avec l’exposé sommaire des thèses contradictoires, cocasses et charlatanesques qui forment le fond des harangues de nos grands hommes ; rien ne les embarrasse et ils savent combiner, dans leurs discours pompeux, fougueux et nébuleux, l’intransigeance la plus absolue avec l’opportunisme le plus souple. Un docteur du socialisme a prétendu que l’art de concilier les oppositions par le galimatias est le plus clair résultat qu’il ait tiré de l’étude des œuvres de Marx[1]. J’avoue ma radicale incompétence en ces matières difficiles ; je n’ai d’ailleurs nullement la prétention d’être compté parmi les gens auxquels les politiciens concèdent le titre de savants ; cependant, je ne me résous point facilement à admettre que ce soit là le fond de la philosophie marxiste.

Les polémiques de Jaurès avec Clemenceau ont montré, d’une manière parfaitement incontestable, que nos socialistes parlementaires ne peuvent réussir à en imposer au public que par leur galimatias et qu’à force de

  1. On venait de discuter longuement au Conseil national deux motions, l’une proposant d’inviter les fédérations départementales à engager la lutte électorale partout où cela serait possible, l’autre décidant de présenter des candidats partout. Un membre se leva : « J’ai besoin, dit-il, d’un peu d’attention, car la thèse que je vais soutenir peut paraître d’abord bizarre et paradoxale. [Ces deux motions] ne sont pas inconciliables, si on essaie de résoudre cette contradiction suivant la méthode naturelle et marxiste de résoudre toute contradiction. » (Socialiste, 7 octobre 1905.) Il semble que personne ne comprit. Et c’était, en effet, inintelligible.