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aider à comprendre le rôle idéologique de la grève générale.

Lorsque les écrivains militaires actuels veulent discuter de nouvelles méthodes de guerre appropriées à l’emploi de troupes infiniment plus nombreuses que n’étaient celles de Napoléon et pourvues d’armes bien plus perfectionnées que celles de ce temps, ils ne supposent pas moins que la guerre devra se décider dans des batailles napoléoniennes. Il faut que les tactiques proposées puissent s’adapter au drame que Napoléon avait conçu ; sans doute, les péripéties du combat se dérouleront tout autrement qu’autrefois ; mais la fin doit être toujours la catastrophe de l’ennemi. Les méthodes d’instruction militaire sont des préparations du soldat en vue de cette grande et effroyable action, à laquelle chacun doit être prêt à prendre part au premier signal. Du haut en bas de l’échelle, tous les membres d’une armée vraiment solide ont leur pensée tendue vers cette issue catastrophique des conflits internationaux.

Les syndicats révolutionnaires raisonnent sur l’action socialiste exactement de la même manière que les écrivains militaires raisonnent sur la guerre ; ils enferment tout le socialisme dans la grève générale ; ils regardent toute combinaison comme devant aboutir à ce fait ; ils voient dans chaque grève une imitation réduite, un essai, une préparation du grand bouleversement final.

La nouvelle école qui se dit marxiste, syndicaliste et révolutionnaire, s’est déclarée favorable à l’idée de grève générale, dès qu’elle a pu prendre une claire conscience du sens vrai de sa doctrine, des conséquences de son activité ou de son originalité propre. Elle a été conduite