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machinations ou entretenir des intelligences avec les puissances étrangères ou leurs agents, pour les engager à commettre des hostilités ou à entreprendre la guerre contre la France, ou pour leur en procurer les moyens. Un pareil crime suppose que l’État peut être mis en péril tout entier par le fait d’une personne : cela ne nous paraît guère croyable[1].

Les procès contre les ennemis du roi furent toujours conduits d’une manière exceptionnelle ; on simplifiait les procédures autant qu’on le pouvait ; on se contentait de preuves médiocres, qui n’auraient pu suffire pour les délits ordinaires ; on cherchait à faire des exemples terribles et profondément intimidants. Tout cela se retrouve dans la législation robespierrienne. La loi du 22 prairial se contente de définitions assez vagues du crime politique, de manière à ne laisser échapper aucun ennemi de la Révolution ; quant aux preuves, elles sont dignes de la plus pure tradition de l’Ancien Régime et de l’Inquisition. « La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple est toute espèce de documents, soit matérielle, soit morale, soit verbale, soit écrite, qui peut naturellement obtenir l’assentiment de tout esprit juste et raisonnable. La règle des jugements est la conscience des jurés éclairés par l’amour de la patrie ; leur but est le triomphe de la République et la ruine de ses ennemis. » Nous avons, dans

  1. C’est cependant l’article que l’on a appliqué à Dreyfus, sans qu’on ait jamais cherché, d’ailleurs, à démontrer que la France ait été en danger de guerre par suite de la livraison de documents à l’Allemagne.