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La révolution sociale est conçue par Jaurès comme une faillite ; on donnera de bonnes annuités aux bourgeois d’aujourd’hui ; puis de génération en génération, ces annuités décroîtront. Ces plans doivent sourire aux financiers habitués à tirer grand parti des faillites et je ne doute pas que les actionnaires de l’Humanité ne trouvent ces idées merveilleuses ; ils seront les syndics de la faillite et toucheront de bons honoraires, qui compenseront les pertes que leur a occasionnées ce journal.

Aux yeux de la bourgeoisie contemporaine, tout est admirable qui écarte l’idée de violences. Nos bourgeois désirent mourir en paix ; — après eux le déluge.


II


Examinons maintenant d’un peu plus près la violence de 93 et cherchons si elle peut être identifiée avec celle du syndicalisme contemporain. Il y a une quinzaine d’années, Drumont, parlant du socialisme et de son avenir, écrivait ces phrases qui parurent alors fort paradoxales à beaucoup de personnes : « Saluez les chefs ouvriers de la Commune, peut dire aux conservateurs l’historien qui est toujours un peu prophète ; vous ne les reverrez plus !… Ceux qui viendront seront autrement haineux, mauvais et vindicatifs que les hommes de 1871. Un sentiment nouveau prend désormais possession du prolétariat français : la haine[1]. » Ce

  1. Drumont, La fin d’un monde, pp. 137-138.