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a supprimé l’épopée des guerres contre la coalition et celle des journées populaires ? Ce qui reste est peu ragoûtant : des opérations de police, des proscriptions et des séances de tribunaux serviles. L’emploi de la force de l’État contre les vaincus nous choque d’autant plus que beaucoup de coryphées de la Révolution devaient bientôt se distinguer parmi les serviteurs de Napoléon et employer le même zèle policier en faveur de l’empereur qu’en faveur de la Terreur. Dans un pays qui a été bouleversé par tant de changements de régime et qui a, par suite, connu tant de palinodies, la justice politique a quelque chose de particulièrement odieux, parce que le criminel d’aujourd’hui peut devenir le juge de demain : le général Malet pouvait dire, devant le conseil de guerre qui le condamna en 1812, qu’il aurait eu pour complices la France entière et ses juges eux-mêmes s’il avait réussi[1].


Il est inutile d’insister davantage sur ces réflexions ; il suffit de la moindre observation pour constater que les violences prolétariennes évoquent une masse de souvenirs pénibles de ces temps passés : on se met, instinctivement, à penser aux comités de surveillance révolutionnaires, aux brutalités d’agents soupçonneux, grossiers

  1. Ernest Hamel. Histoire de la conspiration du général Malet, p. 241. — Suivant quelques journaux, Jaurès, dans sa déposition du 5 juin 1907, devant la Cour d’assises de la Seine, dans le procès Bousquet-Lévy, aurait dit que les agents de la sûreté témoigneront de la considération pour l’accusé Bousquet lorsque celui-ci sera législateur.