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sions les plus nobles, avait soutenues contre une coalition de toutes les puissances d’oppression et d’erreur. Les émeutes et les coups d’État, les compétitions de partis souvent dépourvus de tout scrupule et les proscriptions des vaincus, les débats parlementaires et les aventures des hommes illustres, en un mot tous les événements de l’histoire politique, n’étaient, aux yeux de nos pères, que des accessoires très secondaires des guerres de la Liberté.

Pendant vingt-cinq ans environ, on avait mis en question le changement de régime de la France ; après des campagnes qui avaient fait pâlir les souvenirs de César et d’Alexandre, la charte de 1814 avait incorporé définitivement à la tradition nationale le système parlementaire, la législation napoléonienne et l’Église concordataire ; la guerre avait rendu un jugement irréformable dont les considérants, comme dit Proudhon, avaient été datés de Valmy, de Jemmapes et de cinquante autres champs de bataille, et dont les conclusions avaient été prises à Saint-Ouen par Louis XVIII[1]. Protégées par le prestige des guerres de la Liberté, les institutions nouvelles étaient devenues intangibles et l’idéologie, qui fut construite pour les expliquer, devint comme une foi qui sembla longtemps avoir pour les Français la valeur que la révélation de Jésus a pour les catholiques.

Plusieurs fois, des écrivains éloquents crurent qu’ils pourraient déterminer un courant de réaction contre ces doctrines, et l’Église put espérer qu’elle viendrait à bout de ce qu’elle nommait l’erreur du libéralisme. Une longue

  1. Proudhon, La guerre et la paix, livre V. chap. III.