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a affecté ; la conservation lui paraissait si forte qu’il osait écrire qu’il n’y avait pas eu de conquête et il se représentait toute l’histoire du haut Moyen Age comme un mouvement ayant continué le mouvement de l’empire romain, avec un peu d’accélération[1]. « Le gouvernement mérovingien, disait-il, est, pour plus des trois quarts, la continuation de celui que l’empire romain avait donné à la Gaule[2]. »

La décadence économique s’accentua sous ces rois barbares ; une renaissance ne put se produire que très longtemps après, lorsque le monde eut traversé une longue série d’épreuves. Il fallut au moins quatre siècles de barbarie pour qu’un mouvement progressif se dessinât ; la société avait été obligée de descendre jusqu’à un état très voisin de ses origines, et Vico devait trouver dans ce phénomène l’illustration de sa doctrine des ricorsi. Ainsi une révolution survenue en temps de décadence économique avait forcé le monde à retraverser une période de civilisation presque primitive et arrêté tout progrès durant plusieurs siècles.


Cette effrayante expérience a été maintes fois invoquée par les adversaires du socialisme ; je ne conteste pas la valeur de l’argument, mais il faut ajouter deux détails qui paraîtront peut-être minimes aux sociologues profes-

  1. Fustel de Coulanges. Origines du régime féodal, pp. 566-567. — Je ne conteste pas qu’il n’y ait beaucoup d’exagérations dans la thèse de Fustel de Coulanges ; mais la conservation a été incontestable.
  2. Fustel de Coulanges, La monarchie franque, p. 650.