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ouvrière grandissante et solidement organisée peut forcer la classe capitaliste à demeurer ardente dans la lutte industrielle ; en face d’une bourgeoisie affamée de conquêtes et riche, si un prolétariat uni et révolutionnaire se dresse, la société capitaliste atteindra sa perfection historique.

Ainsi la violence prolétarienne est devenue un facteur essentiel du marxisme. Ajoutons, encore une fois, qu’elle aura pour effet, si elle est conduite convenablement, de supprimer le socialisme parlementaire, qui ne pourra plus passer pour le maître des classes ouvrières et le gardien de l’ordre.


III


La théorie marxiste de la révolution suppose que le capitalisme sera frappé au cœur, alors qu’il est encore en pleine vitalité, quand il achève d’accomplir sa mission historique avec sa complète capacité industrielle, quand l’économie est encore en voie de progrès. Marx ne semble pas s’être posé la question de savoir ce qui se passerait dans le cas d’une économie en voie de décadence ; il ne songeait pas qu’il pût se produire une révolution ayant un idéal de rétrogradation ou même de conservation sociale.

Aujourd’hui, nous voyons que cela pourrait fort bien arriver : les amis de Jaurès, les cléricaux et les démocrates placent leur idéal de l’avenir dans le moyen âge : ils voudraient que la concurrence fût tempérée, que la richesse fût limitée, que la production fût subor-