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pour les mettre à même de considérer les choses du point de vue qui m’est habituel. Au cours de nos conversations vous m’avez fait des remarques qui s’inséraient si bien dans le système de mes pensées qu’elles m’ont amené à approfondir quelques questions intéressantes. Je suis persuadé que les considérations que je vous soumets ici, et que vous avez provoquées, seront fort utiles à ceux qui voudront lire avec profit ce volume.

Il y a peut-être peu d’études dans lesquelles apparaissent d’une manière plus évidente les défauts de ma manière d’écrire; maintes fois on m’a reproché de ne pas respecter les règles de l’art, auxquelles se soumettent tous nos contemporains, et de gêner ainsi mes lecteurs par le désordre de mes expositions. J’ai bien cherché à rendre le texte plus clair par de nombreuses corrections de détail, mais je n’ai pu faire disparaître le désordre. Je ne veux pas me défendre en invoquant l’exemple de grands écrivains qui ont été blâmés pour ne pas avoir su composer ; Arthur Chuquet, parlant de J.-J. Rousseau, dit : « Il manque à ses écrits l’ensemble, l’ordonnance, cette liaison des parties qui constitue le tout[1]. » Les défauts des hommes illustres ne sauraient justifier les fautes des hommes obscurs, et j’estime qu’il vaut mieux expliquer franchement d’où provient le vice incorrigible de mes écrits.

Les règles de l’art ne se sont imposées d’une manière vraiment impérative qu’assez récemment ; les auteurs contemporains paraissent les avoir acceptées sans trop de

  1. A. Chuquet, Jean-Jacques Rousseau, p. 179.