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pratique pour signifier aux bourgeois qu’ils doivent s’occuper de leurs affaires et seulement de cela.

Je crois très utile aussi de rosser les orateurs de la démocratie et les représentants du gouvernement, afin que nul ne conserve d’illusions sur le caractère des violences. Celles-ci ne peuvent avoir de valeur historique que si elles sont l’« expression brutale et claire de la lutte de classe » : il ne faut pas que la bourgeoisie puisse s’imaginer qu’avec de l’habileté, de la science sociale ou de grands sentiments, elle pourrait trouver meilleur accueil auprès du prolétariat.

Le jour où les patrons s’apercevront qu’ils n’ont rien à gagner par les œuvres de paix sociale ou par la démocratie, ils comprendront qu’ils ont été mal conseillés par les gens qui leur ont persuadé d’abandonner leur métier de créateurs de forces productives pour la noble profession d’éducateurs du prolétariat. Alors il y a quelque chance pour qu’ils retrouvent une partie de leur énergie et que l’économie modérée ou conservatrice leur apparaisse aussi absurde qu’elle apparaissait à Marx. En tout cas la séparation des classes étant mieux accusée, le mouvement aura des chances de se produire avec plus de régularité qu’aujourd’hui.

Les deux classes antagonistes agissent donc l’une sur l’autre, d’une manière en partie indirecte, mais décisive. Le capitalisme pousse le prolétariat à la révolte parce que, dans la vie journalière, les patrons usent de leur force dans un sens contraire au désir de leurs ouvriers ; mais cette révolte ne détermine pas entièrement l’avenir du prolétariat ; celui-ci s’organise sous l’influence d’autres causes et le socialisme, lui inculquant l’idée