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Cette indétermination augmente encore si le prolétariat se convertit à la paix sociale en même temps que ses maîtres ; — ou même simplement s’il considère toutes choses sous un aspect corporatif, tandis que le socialisme donne à toutes les contestations économiques une couleur générale et révolutionnaire.

Les conservateurs ne se trompent point lorsqu’ils voient dans les compromis donnant lieu à des contrats collectifs et dans le particularisme corporatif des moyens propres à éviter la révolution marxiste[1] ; mais d’un danger ils tombent dans un autre et s’ils s’exposent à être dévorés par le socialisme parlementaire[2]. Jaurès est aussi enthousiaste que les cléricaux des mesures qui éloignent les classes ouvrières de la révolution marxiste ; je crois qu’il comprend mieux qu’eux ce que peut produire la paix sociale ; il fonde ses propres espérances sur la ruine simultanée de l’esprit capitaliste et de l’esprit révolutionnaire.


On objecte aux gens qui défendent la conception marxiste,

  1. On parle constamment aujourd’hui d’organiser le travail ; cela veut dire : utiliser l’esprit corporatif en le soumettant à la direction des gens très sérieux et affranchissant les ouvriers du joug des sophistes. Les gens très sérieux sont de Mun, Charles Benoist (l’amusant spécialiste des lois constitutionnelles), Arthur Fontaine et la bande des abbés démocrates… et enfin Gabriel Hanotaux !
  2. Vilfredo Pareto raille les naïfs bourgeois qui sont heureux de ne plus être menacés par les marxistes intransigeants et de tomber sous la coupe de marxistes transigeants (Systèmes socialistes, tome II, p. 453).