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caisse du trésor public ; c’est le cas de répéter un proverbe célèbre : « Quand Auguste avait bu, la Pologne était ivre. » Un tel gouvernement socialiste ruinerait, sans doute, le pays qui serait administré avec le même souci de l’ordre financier qu’a été administrée l’Humanité ; mais qu’importe l’avenir du pays pourvu que le nouveau régime procure du bon temps à quelques professeurs qui s’imaginent avoir inventé le socialisme et à quelques financiers dreyfusards ?

Pour que la classe ouvrière pût accepter aussi cette dictature de l’incapacité, il faudrait qu’elle fût devenue aussi bête que la bourgeoisie et qu’elle eût perdu toute énergie révolutionnaire, en même temps que ses maîtres auraient perdu toute énergie capitaliste. Un tel avenir n’est pas impossible et l’on travaille avec ardeur à abrutir les ouvriers dans ce but. La direction du travail et le Musée social s’appliquent, de leur mieux, à cette merveilleuse besogne d’éducation idéaliste, que l’on décore des noms les plus pompeux et que l’on présente comme une œuvre de civilisation du prolétariat. Les syndicalistes gênent beaucoup nos idéalistes professionnels et l’expérience montre qu’une grève suffit parfois à ruiner tout le travail d’éducation que les fabricants de paix sociale ont patiemment conduit durant plusieurs années.

Pour bien comprendre les conséquences du régime si singulier au milieu duquel nous vivons, il faut se reporter aux conceptions que se faisait Marx sur le passage du capitalisme au socialisme. Ces conceptions sont bien connues ; mais il faut cependant y revenir continuellement, parce qu’elles sont souvent oubliées, ou tout au moins