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conservateur. Une violence prolétarienne qui échappe à toute appréciation, à toute mesure, à toute opportunité, peut tout mettre en question et ruiner la diplomatie socialiste.

Cette diplomatie se joue à tous les degrés : avec le gouvernement, avec les chefs de groupes dans le parlement, avec les électeurs influents. Les politiciens cherchent à tirer le meilleur parti possible des forces discordantes qui se présentent sur le terrain politique.

Le socialisme parlementaire éprouve un certain embarras du fait que le socialisme s’est affirmé, à l’origine, par des principes absolus, et a fait appel, pendant longtemps, aux mêmes sentiments de révolte que le parti républicain le plus avancé. Ces deux circonstances empêchent de suivre une politique particulariste, comme celle que Charles Bonnier a recommandée souvent : cet écrivain, qui a été longtemps le principal théoricien du parti guesdiste, voudrait que les socialistes suivissent exactement l’exemple de Parnell, qui négociait avec les partis anglais sans jamais s’inféoder à l’un d’eux ; on pourrait, de même, s’entendre avec les conservateurs, si ceux-ci s’engageaient à accorder aux prolétaires des conditions meilleures que les radicaux. (Socialiste, 27 août 1905.) Cette politique a paru scandaleuse à beaucoup de personnes. Bonnier a dû atténuer sa thèse : il s’est contenté de demander que l’on agît au mieux des intérêts du prolétariat (17 septembre 1905) ; mais comment savoir où sont ces intérêts, quand on ne prend plus pour règle unique et absolue le principe de la lutte de classe ?

Les socialistes parlementaires croient posséder des lumières spéciales qui leur permettent de tenir compte