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dement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe l’anéantit. » La loi dérive de la nature des choses, répond Montesquieu ; sa raison d’être est le fondement de son autorité. Qui la ramène à son principe l'affermit. Montesquieu a vu plus juste et plus profondément.

L’étude des gouvernements remplit les huit premiers livres de l'Esprit des lois, Montesquieu passe de ces lois fondamentales aux lois subordonnées, et il les envisage successivement sous les rapports qu’elles ont avec la défense de l’État, la liberté politique des citoyens, les impôts, le climat, le terrain, les mœurs, les manières, la liberté civile, la population et la religion. C’est l’objet des livres IX à XXVI. Les livres XXVII à XXXI, tout considérables qu’ils sont en eux-mêmes, ne forment qu’un supplément consacré à un essai sur les lois romaines touchant les successions et à une histoire inachevée des lois féodales en France. À vrai dire, l’ouvrage s’arrête au livre XXVI. La puissante cohésion qui y imprime au caractère de majesté ne règne entièrement que dans la première partie. À mesure que les livres suivants se déroulent, l’enchaînement se desserre, et les digressions se multiplient.

C’est que, tout vaste qu’était l’esprit de Montesquieu, il ne pouvait embrasser le formidable amas des notes réunies pendant trente années de lecture. Si large que fût le cadre, le tableau le dépassait : la toile déborde sur les côtés et se gonfle, par endroits, à la surface. Montesquieu l’avait senti. Tant