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gent point les directions de l’histoire. « Si César et Pompée avaient pensé comme Caton, d’autres auraient pensé comme firent César et Pompée ; et la république, destinée à périr, aurait été entraînée au précipice par une autre main. »

Les noms de César et de Pompée demeurent ainsi accouplés ; Montesquieu ne fait point de grande différence entre les deux personnages. Il partage, sous ce rapport, une sorte de préjugé historique, dont Corneille est aveuglé et dont Bossuet subit l’influence. « Pompée avait, dit-il, une ambition plus lente et plus douce que celle de César… Il aspirait à la dictature, mais par les suffrages du peuple : il ne pouvait consentir à usurper la puissance : mais il aurait voulu qu’on la lui remît entre les mains. » Ainsi nous apparaît Moreau, dans sa rivalité avec Bonaparte.

Montesquieu loue Brutus et va même jusqu’à découvrir dans l’assassinat politique une sorte de remède criminel ; mais nécessaire, au coup d'État. Il condamne l’empire, et cependant il en fait voir la fatalité. Il juge Auguste et son règne comme un sénateur qui aurait continué de vanter l’ancienne république, tout en avouant qu’elle ne se pouvait soutenir désormais. C’est ici que se place la plus éloquente partie des Considérations.

La décadence se marque à Rome dans toutes les affaires. L’ordre n’est plus qu’une « servitude durable », destinée à « faire sentir le bonheur du gouvernement d’un seul ». La tyrannie s’insinue sous le