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avoir lus. On pourrait comparer son livre à un temple antique, dont le seuil s’est écroulé en partie : les murs de refend sont ruinés, l'intérieur est ouvert à tous les vents ; mais les colonnes de marbre du pourtour sont debout, les chapiteaux n’ont point souffert, le fronton subsiste, la frise est intacte, et, considéré à la distance qu’il faut, l’édifice garde toutes les grandes lignes de son architecture. La restauration que l’on en essayerait, d’après les modèles et les pièces des musées, risquerait d’ébranler le monument sans en augmenter en rien la beauté.

Montesquieu n’avait cure de la critique des sources. Il ignorait l’archéologie, qui a permis de reconstruire pierre à pierre ce que la légende avait dénaturé et ce que la critique avait anéanti. Il prend à la lettre les récits de Tite-Live sur les premiers temps de Rome. Chose singulière, lui qui devait si complaisamment spéculer et disserter sur les climats, ne paraît point s’être inquiété de celui de Rome, non plus que du caractère des hommes qui ont fondé la cité. Michelet, et après lui MM. Duruy et Mommsen, ont tiré grand parti de ces considérations du sol et de la race. M. Fustel de Coulanges a montré le rapport intime qui existait entre l’histoire de la cité et celle de la religion. On n’en apercevait presque rien au temps de Montesquieu ; il n’avait aucun goût à y regarder de plus près que ses contemporains. Les questions sociales et ce qu’on peut appeler l’économie politique de Rome lui échappent également dans la première période de la république. L’élé-