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CHAPITRE III

LE MONDE — LE TEMPLE DE GNIDE — L’ACADÉMIE
LES VOYAGES

Les Lettres persanes ne pouvaient paraître qu’anonymes, sous l’enseigne d’un éditeur étranger. La censure s’accommodait de ces subterfuges, dont personne n’était dupe. Imprimées à Rouen, comme leurs illustres devancières, les Provinciales, les Lettres persanes reçurent la rubrique d’un libraire d’Amsterdam. Montesquieu pratiquait et inspirait autour de lui la tolérance qu’il prêchait : il avait pour secrétaire un abbé Duval, qui ne manquait point de lumières, et pour ami un oratorien, le P. Desmolets, qui n’avait rien de l’inquisiteur. L’abbé Duval corrigea les épreuves du livre ; le P. Desmolets dissuada Montesquieu de le publier ; mais comme il était homme d’esprit et bon prophète, il ajouta : « Cela se vendra comme du pain. » Ce qui advint, en effet. Les Lettres persanes présentaient, sous une forme qui flattait tous les goûts du temps,