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ment et la sagesse des vœux. La réserve du législateur tempère constamment chez Montesquieu la sévérité des opinions et la verve des utopies. C’est cet esprit qui dicte à Usbek ce précepte fameux : « Il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois. Mais le cas est rare ; et lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » C’est cet esprit encore qui inspire ces maximes qui annoncent et résument l’œuvre à venir : « J’ai souvent recherché quel était le gouvernement le plus conforme à la raison. Il m’a semblé que le plus parfait est celui qui va à son but à moins de frais ; de sorte que celui qui conduit les hommes de la manière qui convient le plus à leur penchant et à leur inclination, est le plus parfait. » Voilà, dans les Lettres persanes, toute la politique de l'Esprit des lois ; en voici toute la philosophie : « La nature agit toujours avec lenteur, et, pour ainsi dire, avec épargne ; ses opérations ne sont jamais violentes ; jusque dans ses productions elle veut de la tempérance ; elle ne va jamais qu’avec règle et mesure ; si on la précipite, elle tombe bientôt dans la langueur. »