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sionnaire », qui fournit le motif d’un des plus vivants croquis de l’ouvrage :

« Je me trouvai l’autre jour dans une compagnie où je vis un homme bien content de lui. Dans un quart d’heure, il décida trois questions de morale, quatre problèmes historiques, et cinq points de physique. Je n’ai jamais vu un décisionnaire si universel ; son esprit ne fut jamais suspendu par le moindre doute. On laissa les sciences ; on parla des nouvelles du temps : il décida sur les nouvelles du temps. Je voulus l’attraper, et je dis en moi-même : Il faut que je me mette dans mon fort ; je vais me réfugier dans mon pays. Je lui parlai de la Perse ; mais à peine lui eus-je dit quatre mots, qu’il me donna deux démentis, fondés sur l’autorité de Messieurs Tavernier et Chardin. Ah ! bon Dieu, dis-je en moi-même, quel homme est-ce là ? Il connaîtra tout à l’heure les rues d’Ispahan mieux que moi ! Mon parti fut bientôt pris : je me tus, je le laissai parler, et il décide encore. »

Les Persans de Montesquieu sont sévères aux femmes ; j’entends à celles que Montesquieu a fréquentées dans le monde où il se divertissait, et dont il avait peut-être par lui-même observé les faiblesses. Il les accuse de s’adonner au jeu, afin de « favoriser une passion plus chère », lorsqu’elles sont encore jeunes, et pour remplir le vide de cette passion, lorsqu’elles se sentent vieillir. Il dira plus tard, et plus crûment : « Chacun se sert de leurs agréments et de leurs passions pour avancer sa for-