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Dieu ; tout au contraire, l'espèce de liberté qui s’établit, déchaîna le libertinage, qui renversa toutes les digues.

Il n’avait jamais disparu. La tradition, dit Sainte-Beuve, en venait « directe et ininterrompue » de la Renaissance à la Fronde et de la Fronde a la Régence, par Retz, Saint-Évremond, Vendôme, Bayle : les épicuriens et les pyrrhoniens. « Le règne de Louis XIV en est comme miné. » Ce prince et ses conseillers d’État en matière ecclésiastique crurent faire merveille en supprimant les dissidents. Huguenots et jansénistes, tout ce qui prétendait croire selon sa propre conscience et la grâce qu’il recevait du ciel, se vit persécuté, proscrit, anéanti. Mais l’impiété resta : elle couvait dans le fond des âmes, ennemie la plus redoutable que l'Église eût affrontée depuis le temps de Léon X ; car elle était apaisée, consciente, imperturbable comme la pensée du temps. Les incrédules portaient en leur négation la plénitude et la certitude magistrale d’un Bossuet dans sa foi. « La grande hérésie du monde, écrivait Nicole, n’est plus le calvinisme ou le luthéranisme ; c’est l’athéisme. »

On avait écrasé la Réforme et le Jansénisme, qui procédaient l'une et l’autre de l’esprit chrétien. On avait ainsi ouvert la voie plus large à l’esprit de la Renaissance, qui était celui de l’antiquité païenne. Le roi avait renouvelé les mœurs de l’Olympe : exemple plus efficace que tous les édits du monde. La politique tirée par Bossuet de l’Écriture sainte