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mence par cette phrase : « La Pologne rendue à l'indépendance le serait invinciblement à l’anarchie. » Le développement qui suit semble un chapitre inédit de l'Esprit des lois. On en retrouve l’essence même dans cette maxime qui résume toute la pensée des Instructions : « La France est dans l’heureuse situation de n’avoir pas à désirer que la justice et l’utilité soient divisées, et de n’avoir point à chercher son utilité particulière hors de la justice qui est l’utilité de tous. »

Ce n’est pas seulement la pensée de Montesquieu, c’est son procédé de style et jusqu’à ses comparaisons qui se renouvellent, comme d’eux-mêmes, sous la plume de Talleyrand. Il reprend dans une de ses notes de Vienne, et rectifie en se l’appropriant, une image très belle, mais un peu téméraire, des Considérations, « La France, dit Talleyrand, n’avait à porter au congrès aucune vue d’ambition ou d’intérêt personnel. Replacée dans ses antiques limites, elle ne songeait plus à les étendre, semblable à la mer, qui ne franchit ses rivages que quand elle a été soulevée par les tempêtes. » Montesquieu avait moins justement écrit, lorsqu’il faisait cette réflexion : « Il est admirable qu’après tant de guerres, les Romains n’eussent perdu que ce qu’ils avaient voulu quitter, comme la mer qui n’est moins étendue que lorsqu’elle se retire d’elle-même. »

Cette allusion aux Considérations nous ramène à l’histoire. Montesquieu n’y fait pas moins grande école que dans la politique. Il y enseigne l’enchaînement des faits, le rapport des causes, la liaison des