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Directoire même, un diplomate nourri des conseils de Vergennes, le prudent Barthélémy. On réimprima les œuvres de Montesquieu. Pastoret, aux Cinq-Cents, Goupil de Préfeln, aux Anciens, proposèrent de lui décerner les honneurs du Panthéon. Mais les violents ne leur en laissèrent point le temps, et le coup d’État de Fructidor exila de nouveau l’Esprit des lois de la république.

La constitution de l’an VIII n’avait rien de commun avec la liberté telle que Montesquieu l’avait conçue. Bonaparte, si l’on en croit Stendhal, n’avait guère fait que feuilleter les écrits de ce grand homme ; mais il tenait ses élèves en haute estime. S’il leur interdit de parler de politique, il leur confia la magistrature, l’administration et la législation civile. L’illustre conseil d’État qui rédigea le Code civil et eut Portalis pour principal rapporteur, s’inspira, pour le fond comme pour la forme, des préceptes de Montesquieu.

Cependant la politique de l’Empereur rompait toutes les maximes de Montesquieu et justifiait en même temps toutes ses conclusions. On ne saurait trouver une plus complète démonstration de l’existence des lois de l’histoire, ni une preuve plus péremptoire de celles qu’avait induites Montesquieu. Il avait montré comment un pays en révolution devient plus redoutable au dehors qu’il ne l’a jamais été en d’autres temps ; comment, dans une nation où les mœurs de la monarchie se dissimulent sous les lois de la république, la guerre, commencée comme dans