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des mines, y font de grands mariages et reviennent restaurer la demeure des ancêtres. Certains enfants perdus, étranges ou scandaleux, n’ont point laissé parfois de servir, sinon à l’honneur, au moins à la célébrité du nom. Ce fut le cas dans la postérité politique de Montesquieu. La branche aînée émigra : on la vit siéger dans les conseils des princes et inspirer les fameuses Réflexions de Burke sur la révolution de France : tout le tableau qu’y trace le fougueux orateur anglais, de l’ancienne monarchie et de sa réforme possible, est tiré de l’Esprit des lois. Les partisans des deux Chambres, les « monarchiens », comme on les nommait, Necker dans le gouvernement, Mounier, Lally, Bergasse, Clermont-Tonnerre, Malouet, dans l’Assemblée, Mallet du Pan et Rivarol, au dehors, forment la seconde branche. Le vent la brisa promptement. Elle ne mourut point, mais il lui fallut des années pour reprendre sa sève et pousser de nouveaux bourgeons.

L’esprit public était ailleurs. Il allait à Sieyès, c’est-à-dire à l’antipode de Montesquieu. « Assez d’autres, disait en pensant peut-être à l’Esprit des lois ce fameux spéculateur, assez d’autres se sont occupés à combiner des idées serviles, toujours d’accord avec les événements. La science politique n’est pas la science de ce qui est, mais de ce qui doit être. » Cependant, pour entrer dans des voies que Montesquieu n’avait point souhaitées, la Révolution ne lui échappe pas entièrement. C’est le moment où s’exerce son influence indirecte, et où l’on voit entrer en scène,