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être à la fois couvert d’infamie et de dignités… » Cette noblesse « tient à honneur d’obéir à un roi, mais regarde comme la souveraine infamie de partager la puissance avec le peuple. » Le voulût-elle, elle ne le pourrait point. « Son ignorance naturelle, son inattention, son mépris pour le gouvernement civil », l’en rendent incapable. Les parlements, discrédités par la couronne, ne sauraient remplacer la noblesse. Tout s’en va, et c’est par la chute des contreforts que s’annonce l’écroulement de l’édifice.

On le vit bien sous Louis XVI, lorsque l’on essaya de gouverner selon le plan de Montesquieu, en rendant l’autorité aux parlements et l’influence aux privilégiés. Ils invoquèrent contre Turgot et ses réformes les maximes de l'Esprit des lois, et achevèrent, en combattant ces réformes, de précipiter la révolution. Cet essai de retour vers l’ancien régime ne conduisit qu’à rendre la monarchie plus impopulaire et les privilégiés plus odieux.

Sur un seul point, dans la politique étrangère, les conseils de Montesquieu prévalurent et produisirent leur bienfait. La politique de Vergennes est une excellente application de l'Esprit des lois à la diplomatie. Quand on lit les mémoires que ce sage ministre adressait à Louis XVI, à propos de la succession de Bavière, on croit lire un développement de cette phrase qui termine le chapitre de la guerre, au livre du droit des gens : « Que l’on ne parle pas surtout de la gloire du prince ; sa gloire serait son orgueil ; c’est une passion et non pas un droit légitime. Il est