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CHAPITRE VIII

CRITIQUE ET DEFENSE DE L’ESPRIT DES LOIS
DERNIÈRES ANNÉES DE MONTESQUIEU
SON INFLUENCE EN EUROPE SOUS L’ANCIEN RÉGIME
SES VUES SUR LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS

l'Esprit des lois fut imprimé à Genève, où il parut, au mois de novembre 1748, en deux volumes in-4o. Il n’y avait point de nom d’auteur ; mais tout le monde y mit celui de Montesquieu. Le livre se trouva, en France, dans les mains de tous les honnêtes gens, bien que la censure n’en eût point autorisé la circulation. Le succès fut très vif. Les critiques ne manquèrent pas. Montesquieu était trop simplement grand homme, pour ne pas faire d’envieux. Il heurtait trop de préjugés et déroutait trop d’habitudes pour ne pas soulever de protestations. Il heurtait surtout le préjugé de la raison pure et déroutait le bel arbitraire des réformateurs sur la table rase. Cette école de spéculateurs a toujours été rebelle à l’expérience. Elle condamna l'Esprit des lois sans