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MONTESQUIEU

CHAPITRE PREMIER

CARACTÈRE DE MONTESQUIEU

Les Lettres persanes parurent en 1721. Ce livre fit un éclat merveilleux. Jamais écrivain n’a mieux répondu à l’état d’une société, n’en a dévoilé le secret d’une main plus légère, n’en a débrouillé d’une plume plus alerte les vœux encore cachés et les pensées encore confuses. L’auteur sentait se dissoudre autour de lui des institutions sociales vieilles de plusieurs siècles : les croyances, les coutumes et les mœurs, qui avaient formé et soutenu la monarchie, se ruinaient en France. Il voulut analyser ce mal et tenta d’y remédier ; il ne s’aperçut point qu’en le décrivant comme il faisait, il le propageait dans les esprits, et que son ouvrage offrait le plus grave symptôme de la crise qu’il croyait pouvoir conjurer. Ce n’était point un avertissement et un appel à la réforme, c’était le signal d’une révolution dont l’instinct couvait dans toutes les âmes et dont les causes