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leur installation dans le pays n’y apporta aucune institution nouvelle. Les chefs de ces bandes reçurent des Romains le gouvernement des territoires qu’ils occupaient, et les gouvernèrent selon les coutumes romaines. La révolution qui créa la France ne s’opéra que plus tard : elle consista dans la transformation des offices en seigneuries ; c’est l'avènement de la féodalité qui établit, dans la Gaule, au profit des seigneurs, le régime de la conquête.

Montesquieu se piquait de descendre des Germains, mais tout son esprit venait de Rome. Il paraissait destiné à concilier ces deux théories contradictoires. « M. le comte de Boulainvilliers et M. l’abbé Dubos, disait-il, ont fait chacun un système, dont l’un semble être une conjuration contre le tiers état, et l’autre une conjuration contre la noblesse. » Il prétendit se placer entre les deux. Ses passions l’entraînaient du côté de Boulainvilliers, qu’il traitait en gentilhomme, et l’éloignaient de Dubos, qu’il tenait, malgré leur confraternité académique, pour un parvenu et un cuistre de bibliothèque. Il critiqua Boulainvilliers avec considération ; il n’approuva Dubos, dans les rencontres, que d’un air de dédain ; il ne le discuta qu’en le raillant.

Il tourna, pour ainsi dire, autour du sujet avant de l’aborder. Au livre XVIII, à propos des lois dans les rapports qu’elles ont avec la nature du terrain, il traite des rois francs, de leur majorité, de leur longue chevelure et des assemblées de la nation sous leur règne. Il reprend la question au livre XXVIII : « De l’ori-