Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

modère point l’expression. Il va jusqu’à les comparer quelque part aux conquérants, c’est-à-dire, selon ses sentiments, aux plus malfaisants des humains.

On ne l’en doit pas moins louer, et très amplement, d’avoir composé ces chapitres. C’était beaucoup déjà, au siècle où il vivait, de traiter publiquement ces questions redoutables, comme un sujet de discussion et un article de politique. Il fallait autant de hardiesse pour en parler librement devant l’Église, que pour en parler respectueusement devant les libertins. Montesquieu s’élève, du premier coup, au-dessus de Voltaire, qui ne put jamais, en matière religieuse, séparer entièrement l’histoire de la polémique et la polémique de la facétie. « C’est, écrit Montesquieu à propos de Bayle, mal raisonner contre la religion, de rassembler dans un grand ouvrage une longue énumération des maux qu’elle a produits, si l’on ne fait de même celle des biens qu’elle a faits. Si je voulais raconter tous les maux qu’ont produits dans le monde les lois civiles, la monarchie, le gouvernement républicain, je dirais des choses effroyables. »

Ces considérations sur les lois criminelles et sur les tolérance sont graves et austères. Pourquoi faut-il qu’entraîné par on ne sait quelle aberration du goût, Montesquieu ait introduit dans ces beaux essais, en manière de divertissement et d’intermède, la plus inutile, la plus fade et la plus désobligeante des digressions ? C’est le chapitre intitulé : Violation de la pudeur dans la répression des crimes ; on pourrait ajouter : et dans l'Esprit des lois.