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rétablir quelque temps après, et en pousser l’abus au delà de ce qui s’était fait de pire, en ce genre, aux plus mauvaises années de l’ancien régime. Quant aux lettres de cachet, Montesquieu les condamne indirectement, en louant l'habeas corpus.

Il pose les vrais principes de la liberté de penser et de la liberté d’écrire. « Les lois ne se chargent de punir que les actions extérieures… » « Ce ne sont point les paroles que l’on punit ; mais une action commise, dans laquelle on emploie les paroles. Elles ne deviennent des crimes que lorsqu’elles préparent, qu’elles accompagnent, ou qu’elles suivent une action criminelle. » L’ancien régime ne connaissait point cette liberté ; on l’a proclamée avec éclat dans la Révolution, on l’y a violée avec cynisme. Montesquieu ne considérait que les abus de la législation monarchique ; mais il a condamné d’avance les abus de la législation révolutionnaire, lorsqu’il a dit : « Rien ne rend le crime de lèse-majesté plus arbitraire que quand les paroles indiscrètes en deviennent la matière. » « C’est encore un violent abus de donner le nom de crime de lèse-majesté à une action qui ne l’est pas. » Il n’admet l’application de ce crime ni aux cabales contre les ministres, comme sous Richelieu, ni à la fausse monnaie, comme sous Valentinien, Théodose, Arcadius, qu’il allègue, et comme le faisait, pour la falsification des papiers royaux, une déclaration de 1720, qu’il ne cite point, mais dont on se souvint, au temps des assignats.

Le pire abus est de l’étendre au sacrilège et à