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quement et votent chaque année le chiffre de l'impôt et celui des soldats.

Le caractère très général que Montesquieu a donné à cette théorie, en a fait la force de propagation ; ce caractère y imprime, par contre, une sorte de sécheresse littéraire. Ce chapitre est tout en maximes. C’est un dessin magistral ; la couleur y manque avec la vie. Il faut le compléter par le chapitre du livre XIX où Montesquieu décrit les mœurs politiques des Anglais, et analyse cet esprit public qui est le véritable auteur, interprète et gardien de leur constitution. Il montre la vigueur et la constance de leur amour pour leurs libertés ; il fait ressortir, à côté de cette vertu politique, les défauts qui y sont liés : l’agitation continuelle dans l’État, l’inconsistance dans le gouvernement, la corruption dans les élections et dans les affaires, l’impatience de l’autorité, la jalousie commerciale, l’âpreté dans le négoce, la hauteur dans toutes les rencontres, et cette fierté qui fait que, même dans la paix, les Anglais semblent « ne négocier qu’avec des ennemis ». Il généralise sans doute un peu trop vite lorsqu’il estime que les Anglais ne sont point conquérants par nature, et qu’ils sont affranchis des « préjugés destructeurs ». Ils ont conquis un des plus vastes empires du monde et opéré des destructions énormes d’indigènes. Montesquieu parle de l’Irlande et du despotisme qui y règne avec trop d’indulgence. Mais, pour l’ensemble, il a bien vu.

Il a dégagé et mis en évidence ce terrible ressort