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La démocratie, qui n’était pour Montesquieu qu’un phénomène historique, règne aujourd’hui parmi quelques-unes des plus grandes nations du monde et tend à s’introduire chez les autres ; la monarchie qu’il a décrite était la forme de gouvernement la plus répandue dans l’Europe : elle en a, de nos jours, presque complètement disparu. Montesquieu l’étudie par prédilection, et consacre un chapitre à en établir l’excellence. On ne peut douter qu’en composant cette partie de son livre il ne se soit constamment préoccupé de la monarchie française et de la décadence dont elle lui paraissait menacée. La France tournait au despotisme ; et rien n’était plus différent du despotisme que la monarchie telle qu’il la concevait. Bossuet avait distingué la monarchie absolue, où le prince gouverne selon des lois, et la monarchie arbitraire, où il gouverne selon son caprice. Ce gouvernement arbitraire, Montesquieu le nomme despotisme, et qualifie proprement de monarchique l’État où « un seul gouverne par des lois fixes et établies ».

Il est de la nature de la monarchie d’avoir des lois fondamentales. Le monarque est la source de tout pouvoir politique et civil ; mais il exerce ce pouvoir au moyen de canaux « par où coule la puissance ». Ce sont « les pouvoirs intermédiaires, subordonnés et dépendants », qui modèrent « la volonté momentanée et capricieuse d’un seul ». Les deux premiers de ces pouvoirs sont la noblesse et le clergé ; le troisième est un corps de magistrats qui conserve le dépôt des lois fondamentales et les rappelle au