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ne nous efforcerons point de l’exprimer. C’est assez de dire qu’il étoit extrême, et qu’il n’a point diminué depuis. Francion, se voyant obligé de ne plus vivre en garçon, prit dès lors une humeur si grave et si sérieuse que l’on n’eût pas dit que c’eût été lui-même. Toutefois l’on tient qu’encore qu’il sçût qu’il n’est pas permis de faire du mal, afin qu’il en avienne du bien, il avoit de la peine à se repentir de beaucoup de petites méchancetés qu’il avoit faites en sa jeunesse, pour châtier les vices des hommes. Quant à Raymond et du Buisson, quelque remontrance qu’il leur pût faire, ils employèrent encore le reste du temps qu’ils vouloient passer dans Rome à se soûler des plaisirs du monde. Il n’y eut qu’Audebert qui revint le premier en France, se mettant à la suite d’un ambassadeur ordinaire qui s’en retournoit ; car il étoit satisfait d’avoir vu les singularités d’Italie, sans y vouloir séjourner davantage. Il ne ramena pas Hortensius, parce que Nays l’avoit fait mettre chez un cardinal de ses parens, où il étoit fort à son aise, et ne perdoit point encore les espérances de la royauté, à cause que le bonheur où il se voyoit lui enfloit merveilleusement le courage ; de sorte qu’il attendoit de jour en jour que les Polonois lui envoyassent d’autres ambassadeurs, et par ce moyen sa conversation étoit toujours fort agréable. Lorsque Francion vit que Raymond et du Buisson étoient prêts à le quitter, il ne trouva point d’autre remède à cela, sinon de les accompagner et de faire un tour à son pays, pour voir ses parens avec sa nouvelle épouse. Dorini fut aussi de la partie, et leur voyage fut très-heureux et très-agréable. Francion fut extrêmement aise de se voir pour quelque temps avec toutes ses anciennes connoissances ; et ce fut alors qu’il raconta à plusieurs ses non-pareilles aventures.



FIN