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nous les disions, l’on ne nous croira pas, si tu ne les assures avec nous. Au reste, si tu ne promets maintenant de le faire avec des sermens inviolables, tu n’es pas exempt de la mort ; que si tu le fais aussi, je te promets de ma part que tu n’auras plus que faire de ton maître, et que nous te récompenserons splendidement et t’emmènerons en France, si tu le désires, te rendant si content, que tu n’auras pas de raison de te plaindre d’un peu de mal que nous t’avons fait.

Raymond disoit ceci avec tant de franchise, que Corsègue s’assuroit un peu sur ses paroles ; tellement qu’il lui promit tout ce qu’il voulut et lui en jura avec tous les sermens qu’il lui commanda de faire. Mais Audebert, tirant à part Raymond, lui remontra que cet homme étoit un méchant auquel l’on ne se devoit point fier, et que peut-être le lendemain, lorsqu’il seroit devant les juges, il désavoueroit tout ce qu’il avoit dit et se soucieroit fort peu de toutes les imprécations qu’il avoit faites ; qu’il valoit bien mieux tirer de lui quelque autre assurance et lui faire écrire et signer tout ce qu’il avoit dit, afin de le représenter à la justice et qu’il lui fût impossible de le nier. Raymond trouva cette proposition bonne, et, quoiqu’il dît que l’on ne devoit pas se défier de lui, l’on lui donna une plume, de l’encre et du papier, et l’on lui fit écrire qu’il confessoit d’avoir fait mettre de fausses pièces dans la pochette de Francion, à l’instigation de son maître, et d’avoir encore porté chez lui un coffre plein de semblables espèces, avec des outils de faux-monnoyeurs, afin de l’accuser malicieusement et de le faire trouver coupable. L’on lui fit après signer cela ; et, parce qu’il marchandoit beaucoup d’achever cette besogne, Raymond et Audebert redoublèrent leurs menaces, qui l’épouvantèrent tellement, qu’il fit tout ce que l’on vouloit. L’on alla après chercher dans le grenier, où l’on trouva le sac avec les outils, et l’on les garda pour les montrer en justice.

La nuit étoit alors fort avancée ; Raymond fit enfermer son prisonnier dans une chambre avec ses gens, qui le firent coucher. Pour lui, il se coucha aussi, et Audebert et Hortensius en firent de même ; mais ils ne dormirent guère, chacun ayant beaucoup de hâte d’aller travailler à la délivrance de leur ami. Comme ils furent levés tous trois, Raymond laissa Audebert avec les serviteurs à la maison pour garder Corsègue, et il s’en