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tain mouvement dans l’esprit qui lui persuadoit qu’il pouvoit bien sçavoir quelque chose des conspirations que l’on avoit faites contre la vie et l’honneur de Francion ; et il arriva que cet homme eut aussi tant de crainte de le voir parler de cette sorte, qu’il se figuroit qu’il sçavoit quelque chose de ses méchancetés ; tellement qu’il crut que, s’il ne les découvroit librement, il le tueroit sans miséricorde. Comme il lui eut donc fait encore quelques menaces, il lui assura qu’il lui diroit tout ce qu’il sçavoit, pourvu qu’il lui pardonnât ses fautes ; et alors Raymond lui commanda de dire promptement ce qu’il avoit sur le cœœur ; mais l’appréhension l’avoit tellement saisi, que tous les membres lui trembloient et qu’il ne pouvoit presque parler. Il demandoit du terme ; mais Raymond n’en vouloit point donner, et il commença de crier miséricorde. L’hôte avoit bien vu que Raymond l’avoit arrêté, dont il étoit extrêmement marri, car il eût bien voulu que l’on n’eût point fait de telles violences dans sa maison, parce qu’il craignoit que l’on ne l’accusât d’y avoir part, et que cela ne le mît en peine. Il vint donc dire à Raymond qu’il le supplioit de le laisser aller ; mais Raymond, qui étoit merveilleusement en colère, jura qu’il le tueroit lui-même s’il ne lui laissoit faire ce qu’il désiroit ; et Hortensius, qui étoit à cette heure-là le plus fol, le repoussa rudement et lui pensa faire sauter les montées plus vite qu’il ne désiroit ; de sorte qu’il fut contraint de se retirer en son logement, sans oser se plaindre davantage. Hortensius revint après dans la chambre de Raymond, où étoit aussi Audebert et quelques valets qui tenoient le prisonnier. Raymond continua à lui dire qu’il le feroit mourir avant que la nuit fût passée, s’il ne confessoit toutes les circonstances de son crime ; et qu’auparavant il s’en alloit lui faire donner la gêne. Premièrement il lui demanda qui il étoit, et aussitôt il dit qu’il s’appeloit Corsègue et qu’il étoit un ancien serviteur de la maison de Valère, gentilhomme romain. Raymond se souvenoit à peu près qui étoit ce Valère, dont Francion lui avoit parlé autrefois comme d’un homme qui lui étoit fort ennemi. Voyant que ce méchant homme cessoit de parler après avoir dit cela, il lui commanda d’en dire davantage ; mais il le supplia encore qu’il attendît qu’il eût repris ses esprits. Audebert lui remontra qu’il employoit plus de paroles à faire ses supplications qu’il n’en eût fallu pour dé-