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impostures du siècle ! où il disoit des choses si plaisantes, que l’on ne se pouvoit empêcher d’en rire, et l’on souhaitoit même que Francion les sçût, pour se divertir dans son malheur. Cela donna la licence à quelques-uns de dire quelques bons mots sur le sujet qui se présentoit, quoiqu’ils fussent fort affligés de la captivité de leur ami. Hortensius avoit dit, à propos de ceux qui rognent les pièces, que c’étoient des gens qui feignoient d’être fort dévotieux et qu’ils faisoient la procession à l’entour de la croix. C’étoit là une rencontre assez commune et digne de l’esprit de cet homme, qui se servoit à tout risque de ce qu’il avoit ouï dire aux autres. Mais Audebert, prenant la parole, lui dit : Ce n’est pas cela, mon brave docteur, mais c’est plutôt que l’on témoigne le mépris que l’on fait aujourd’hui des lettres, et dont vous vous plaignez incessamment, pour taxer l’ignorance du siècle ; car l’on ne voit plus de pièces, à cette heure-ci, dont toutes les lettres ne soient rognées, et je m’en rapporte à nos quarts d’écus de France.

Chacun loua ce bon mot d’Audebert, où il faisoit paroître la gentillesse de son esprit ; et alors Raymond, en voulant débiter un autre qu’il sçavoit sur les faiseurs de fausse monnoie, les mit incontinent en jeu, et se mit à dire que Francion n’étoit pas comme un certain homme de son pays qui étoit accusé de fausse monnoie et en étoit assez bien convaincu, de manière que personne ne le défendoit, excepté un certain gentilhomme de bon esprit, qui assuroit que l’on avoit tort de blâmer celui-là de faire de faux argent, parce, disoit-il, qu’il ne fait que ce qu’il doit. L’on lui en demanda la raison, et il répondit que cet homme devoit de l’argent à tout le monde et qu’il en pouvoit bien faire pour payer ses créanciers, parce qu’il ne faisoit en cela que ce qu’il devoit. L’on trouva encore cette rencontre bonne ; mais Hortensius y voulut épiloguer pour faire l’entendu, disant que ce n’étoit pas du faux argent, mais du bon que devoit cet homme ; de sorte qu’il ne faisoit pas ce qu’il devoit entièrement et qu’il ne payoit pas bien ses créanciers ; mais qu’outre cela, quand il eût fait de bons quarts d’écus, et tels que ceux qui sortent de la monnoie de Paris, pour payer ses dettes de son propre ouvrage, il eût encore été digne de repréhension, d’autant qu’il n’est pas permis à personne de faire de la monnoie, si