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leur faute, comme de cette fille qui avoit fait forfait à son honneur, et de ce garçon qui avoit dérobé son maître, dont il découvrit le larcin. C’est en ceci que les plus critiques seront contraints d’approuver ses actions. Il est vrai qu’en ce qui est du reste je me soucie fort peu de leur colère et de leurs plaintes, car je ne raconte point de vices qui ne se pratiquent, ni de sotte action qui n’ait été faite, et l’on voit comment les bons esprits s’en sont moqués et se sont garantis des fourbes que l’on leur pouvoit jouer, au lieu que les personnes idiotes s’y sont laissé surprendre.








LIVRE DIXIÈME



N’est-il pas vrai que c’est une très-agréable et très-utile chose que le style comique et satirique ? L’on y voit toutes les choses dans leur naïveté. Toutes les actions y paroissent sans dissimulation, au lieu que dans les livres sérieux il y a de certains respects qui empêchent de parler de cette sorte, et cela fait que les histoires sont imparfaites et plus remplies de mensonge que de vérité. Que si l’on est curieux du langage, comme en effet l’on le doit être, où le peut-on considérer mieux qu’ici ? Je pense que dedans ce livre on pourra trouver la langue françoise tout entière, et que je n’ai point oublié les mots dont use le vulgaire, ce qui ne se voit pas partout, car dans les ouvrages trop modestes l’on n’a pas la liberté de se plaire à cela, et cependant ces choses basses sont souvent plus agréables que les plus relevées. Qui plus est, j’ai représenté aussi naïvement qu’il se pouvoit faire toutes les humeurs et les actions des personnes que j’ai mises sur les rangs, et mes aventures ne sont pas moins agréables que beaucoup d’autres qui ont été fort estimées. Je fais librement cette confession ; car, étant appuyée de beaucoup de preuves, elle ne doit point sembler insupportable ; et puis il y en a