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nences, que l’amour fait faire à la jeunesse, y auront aussi leur lieu, et, en tout cela, l’on verra de bons actes de comédie où il y aura de quoi recevoir du passe-temps et de l’instruction.






LIVRE CINQUIÈME



Quand le soleil eut ramené le jour, le seigneur du château, étant déjà habillé, ne manqua pas à venir voir si Francion avoit bien reposé, afin de sçavoir quand et quand il pourroit achever le récit de ses diverses fortunes. Voulant bien employer le temps, leurs salutations furent courtes. Encore que Francion sentît beaucoup d’allégement au mal qu’il avoit à la tête, il fut arrêté qu’il se tiendroit encore au lit jusqu’au lendemain, pour reprendre entièrement ses forces ; sans avoir donc souci de se lever, il continua le fil de son histoire comme je vais dire.

Monsieur, nous demeurâmes hier sur le plaisir que je prenois à la poésie ; il faut qu’en retournant sur ce sujet je vous conte que l’on me mit en main quelques ouvrages assez polis, sur lesquels je façonnai ceux que je fis par après : l’on m’enseigna même un certain livre fort nouveau, et d’un auteur fort renommé, que je me délibérai d’acheter, pour y apprendre comment il falloit écrire selon le siècle ; car je confessois ingénument que je n’y entendois rien. Ayant appris que le libraire qui vendoit cet ouvrage-là demeurait en la rue Saint-Jacques, je m’y en allai ; et, ma curiosité étant connue, aussitôt l’on prit la peine de me montrer une infinité de livres françois dont jamais je n’avois ouï parler. Je n’avois pas assez de moyens pour acheter tant de marchandise, voilà pourquoi je ne fis emplette que de ce que j’avois eu premièrement dessein d’avoir, de quoi même l’on m’avoit prêté l’argent. Nonobstant je ne laissois pas de m’amuser à feuilleter