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un messager, moyen commun, d’un usage trop fréquent, et qui n’est jamais exempt de froideur ; il fait entendre les cris de Clytemnestre, ce qui rend le spectateur présent, autant que cela est compatible avec la dignité de la scène, et ce qui produit une émotion bien plus vive que le simple récit.

On connaît le récit d’Aulu-Gelle, VII, 5, qui raconte que l’acteur Polus, jouant le rôle d’Électre, peu de temps après la mort de son fils, prit l’urne de ce fils pour représenter l’urne d’Oreste : « Implevit omnia non simulacris neque incitamentis, sed luctu atque lamentis veris et spirantibus. Itaque quum agi fabula videretur, dolor actitatus est. » — Cette anecdote prouve du moins que, longtemps après la mort des grands tragiques grecs, on jouait encore leurs ouvrages à Athènes.

Le style facile et coulant de l’Électre autorise à penser qu’elle parut sur la scène peu après l’Œdipe roi, c’est-à-dire pendant la seconde moitié de la guerre du Péloponèse. Une licence que l’auteur s’était permise cinq fois dans cette dernière pièce, l’élision d’une voyelle à la fin du vers ïambique, ne se trouve qu’une fois dans l’Électre. De plus, Sophocle semble, par quelques traits semés dans sa pièce, y rechercher la faveur populaire. Ainsi, il saisit avec empressement l’occasion d’appeler Athènes la cité bâtie par les dieux. Enfin, dans le récit des jeux publics auxquels Oreste avait pris part, parmi les dix rivaux qui disputent le prix de la course de chevaux, c’est l’Athénien qu’il montre comme le plus habile à conduire un char, et c’est lui qu’il désigne comme vainqueur, après l’accident qui cause la mort d’Oreste.