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NOTICE
SUR L’ÉLECTRE.




Le sujet d’Électre a été traité par les trois grands tragiques grecs ; et bien que la comparaison de leurs ouvrages ne puisse avoir place ici, il nous est permis de remarquer du moins que Sophocle, venant le second, se trouvait dans les conditions les plus favorables. Il abordait un sujet déjà connu, il est vrai, mais non encore usé ; il lui était facile d’éviter ou de corriger les défauts qu’il avait pu remarquer dans l’invention et dans l’ordonnance de la pièce de son devancier. Mais quand on observe la marche de l’art dramatique chez les Grecs, la supériorité de Sophocle brille surtout dans les caractères. Les héros d’Eschyle ont peu d’individualité, la plupart sont esquissés en traits fort généraux. Dans Sophocle, au contraire, Ajax, Philoctète, Œdipe, ont leur physionomie propre, et leurs caractères distinctifs. Il en est de même d’Électre, et la vigueur avec laquelle le poète a dessiné cette figure est le mérite le plus saillant de l’ouvrage.

Le sujet de la pièce est la vengeance d’Agamemnon accomplie par son fils ; il semble donc qu’Oreste devrait être le personnage principal. Cependant le rôle d’Électre efface tous les autres ; tout se rapporte à Électre, elle est partout présente ; c’est elle qui a sauvé les jours d’Oreste, qui l’a soustrait au fer d’Égisthe, et l’a remis à un serviteur fidèle. Cette fille généreuse, qui s’endort et s’éveille avec l’image du meurtre devant les yeux, concentre en elle-même