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AGAMEMNON.

On dira que ce fut ton œuvre, et non la mienne.

ULYSSE.

Quoi que tu fasses, tu seras partout un homme de Lien.

AGAMEMNON.

Sache bien cependant qu’il n’est point de service plus grand que je ne sois prêt à te rendre ; mais lui, et sur cette terre et dans les enfers[1], il me sera toujours également odieux. Toi, tu peux agir à ton gré.

(Il sort.)



LE CHOEUR.

Qui voudrait, Ulysse, te disputer le titre de sage, quand tu te montres ainsi, serait un insensé.

ULYSSE.

Et maintenant je déclare désormais à Teucer que je suis l’ami d’Ajax autant que j’étais son ennemi. Je veux honorer avec vous ses funérailles, lui rendre mes soins, ne rien négliger enfui des devoirs que les mortels doivent aux grands hommes.

TEUCER.

Généreux Ulysse, je puis te combler d’éloges ; tu as bien démenti mes craintes. Tu étais pour lui le plus odieux des Grecs, et tu es le seul qui lui portes secours ; seul, tu n’as point consenti à insulter son cadavre, comme ce général en délire et son frère, qui voulaient le priver ignominieusement de sépulture. Puisse Jupiter, maître de l’Olympe, et l’implacable Érinnys, et la Justice, dispensatrice des châtiments, punir ces méchants, comme ils le méritent, de l’indigne outrage qu’ils ont voulu faire à ce héros ! Pour toi, fils du vieux Laërte, je n’ose te laisser toucher à ce tombeau, dans la crainte de déplaire à l’ombre d’Ajax ; mais j’accepte tes autres secours, et si tu veux amener quelqu’un de tes guerriers,

  1. C’est-à-dire, vivant ou mort.